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LIVRE VI.

le retenant ; c’est ainsi que toute science s’acquiert. Un peu de douleur est mêlée à toute lumière nouvelle ; tu l’éprouveras toi-même quand tu viendras dans le monde.

« Fais ici l’apprentissage des pâles clartés des limbes avant de contempler le soleil. Sinon, tu ne pourrais le supporter dans sa gloire. »

Il allait continuer, lorsqu’un des solitaires s’approcha de lui par derrière, croyant n’être pas aperçu. Mais son ombre le trahit ; de crainte ou de surprise, il laissa tomber le globe et le compas qu’il tenait dans sa main pour tromper l’oisiveté des heures depuis le commencement des choses.

À ce bruit, le prophète se retourne avec sévérité. Il ramasse le compas, il l’ouvre dans sa juste mesure ; et, se baissant sur le globe, il pose la pointe aiguë à l’endroit nécessaire en disant :

« C’est ici, Newton, qu’il faut poser le doigt et tracer le cercle pour enserrer les vastes cieux. Garde-toi de l’oublier jamais ! Ne le laisse plus divertir ainsi par les choses qui passent. »

Cependant il était arrivé jusqu’au sommet que rasaient les rayons d’un soleil invisible ; et il vit, près de lui, dans cette aube, un esprit qui semblait planer rempli d’inquiétude, comme l’oiseau voyageur qui plane longtemps au haut du ciel et interroge des yeux tous les points de l’horizon, avant de trouver la route du nid natal et de s’élancer à tire-d’aile ; il lui dit :

« Es-tu leur chef ? Qui t’a porté si haut sur ces cimes inhabitées ? Sont-ce les oiseaux du ciel ?