Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.
179
LIVRE V.

limbes que la nuit éternelle. Nous ne croyons pas même au berceau. »

Combien Merlin regrettait alors de n’avoir pas Viviane pour témoin !

« Elle n’aurait pas besoin de parler, se disait-il à lui-même. En la voyant seulement, ils croiraient à la vie, à l’aurore, au parfum, aux chansons bocagères du printemps, aux promesses de l’année dans sa fleur, au regard étincelant du jour. Pour moi, je possède, il est vrai, l’existence ; mais souvent l’art me manque pour en convaincre les autres. »

À pas lents il s’éloigna, tournant souvent la tête, et il soupirait. Mais il n’accusait que lui-même si tant d’êtres appelés à la vie immortelle restaient à jamais, faute d’y croire, assis, emprisonnés dans les ténèbres informes.

Bientôt le froid ricanement de ceux qui doutent de la vie cessa par degrés. Les larves, privées de l’espérance et même du désir, rentrèrent l’une après l’autre en hochant la tête dans le silence contemporain de la mort.