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MERLIN L’ENCHANTEUR.

mes, je le ferais d’avance. Car je ne sais encore si je dois te couronner ou te maudire. En te rejetant, je crains de déshonorer la lumière du monde. Et pourtant, il est sûr que tu tiens là dans ta main droite un or qui ne vient pas d’un noble labeur. Si les autres l’ignorent, moi, je le vois d’ici ; passe, je me tairai encore. Je ne puis ni t’oublier ni te haïr. »

À ces mots, l’âme dédaigneuse ouvrit ses mains d’où ruissela une pluie d’or, et elle répondit en ricanant :

« Me prends-tu pour Judas ? C’était pour payer mon passage. »

Puis, se redressant plus fière qu’auparavant, elle secoua sa chevelure immense et rejoignit ses compagnons qui semblaient ses sujets.

IV

Quand le pèlerin des trois mondes tourna la tête, il vit comme un essaim de larves échappé de la ruche, ou plutôt comme une grande nation rassemblée qui s’avançait du fond de la nuit, en chantant à la manière de ceux qui partent : Liberté, liberté chérie !

Tous nageaient dans une allégresse sublime, comme s’ils avaient pris déjà possession de la lumière ; car ils se croyaient émancipés des ténèbres parce que la justice vivait en eux et qu’elle étincelait sur leurs fronts. Les