Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
MERLIN L’ENCHANTEUR.

entrent à l’étable avant que l’orage éclate, de même il pressait de l’aiguillon de sa parole les peuples haletants, qui désiraient s’arrêter et se repaître à chaque pas. Mais, dès qu’il voyait la foule hébétée de son dur labeur, il la pressait de nouveau de son dard ; celle-ci, pour l’éviter, courait aveuglément sans regarder derrière elle.

Sur le visage sillonné de l’inconnu, vous eussiez cru reconnaître les traces anciennes de la foudre, avec les marques du bitume de Gomorrhe.

Vous eussiez dit qu’il avait déjà traversé les flammes souterraines, et qu’il en avait gardé plus d’une cicatrice. Mais il en était autrement. Son orgueil tout seul montrait qu’il n’avait jamais été vaincu. Il sortait comme les autres des profondeurs natives des limbes inviolées.

Quand il fut si près du prophète, qu’il était impossible de passer sans être vu, il ne courba pas la tête comme les autres ; au contraire, il se dressa debout, et, regardant les tours croulantes, il lui dit :

« Qui a fait ces ruines ?

— Tu le sais, toi, par qui elles sont irréparables ; mais tu l’as déjà oublié, Mirabeau ! »

Celui-ci, sans s’arrêter davantage, continua :

« Où est la route de ceux que je poursuis ? J’ai perdu le chemin par une trop grande hâte de marcher sur leurs traces.

— Ceux que tu poursuis ont pris le sentier au pied de cette roche ; tu les atteindras bientôt. Ils marchent