Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.
163
LIVRE V.

« Père, où me mènes-tu ? »

Puis il laissa passer tout le cortége et marcha le dernier, en regardant si quelqu’un venait après lui ; pareil à un homme qui suit une foule et qui a peur d’arriver. À chaque pas il se retourne ; il s’arrête, il soupire ; que n’ose-t-il revenir en arrière ?

III

Le dernier de la file n’était pas éloigné à une distance plus grande que le jet d’une pierre, dans la main d’un frondeur, quand le crépuscule faible, incertain, commença de luire. La clarté était un peu plus pâle qu’à cette heure et à cette saison de l’année où les étoiles filantes percent en foule le manteau de la nuit. Mais, à cette lumière, on voyait surgir des deux côtés de la vallée, çà et là, des moitiés de tours, d’édifices, de murs, de pâles cités commencées et abandonnées, sans que l’on sût quelle main en avait jeté en secret les fondements. Il y avait aussi de blêmes ruines ; elles se mirent soudainement à crouler ; personne ne pouvait dire qui les avait faites.

Parmi ces ruines, s’avançait la tête haute un esprit qui semblait les dédaigner. Ce n’était pas un roi, et il était plus superbe que les rois. Comme un laboureur presse de l’aiguillon un troupeau de bœufs, afin qu’ils