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LIVRE V.

À ces mots, la bergère ayant reconnu qu’il avait vu les deux esprits à ses côtés, fut remplie d’une joie qu’elle n’avait pas encore éprouvée :

« Toi, au moins, tu les as vus, lui dit-elle ; tu as entendu leurs voix lorsqu’ils me parlaient à l’oreille. Tu ne feras pas comme ceux qui vont répétant ici, que ce sont là des songes. Mais, puisque tu as déjà vu le soleil et traversé la vie, dis-moi ce que je dois en savoir, et quel chemin il me faut suivre. Car ceux-ci sont instruits dans les choses du ciel ; mais ils méprisent le monde et les messagers qui en arrivent.

— Avec de tels compagnons pour guides, répondit le prophète, je n’ai rien à t’enseigner. Cependant, puisque tu m’interroges, je parlerai. Le village où tu dois voir la lumière pour la première fois, est déjà couvert de chaumes, ô Jeanne ! Déjà les hirondelles ont niché ; les petits gazouillent sous le toit près duquel le tien s’appuiera, non loin de l’arbre des fées.

— N’arriverai-je pas trop tard ? dit la bergère. Voilà mon unique crainte.

— Ne crains pas, ô bergère ! Tu paraîtras à l’heure de la bataille ; tu ne perdras point de temps pour trouver l’oriflamme et l’épée.

— Comment porterai-je le glaive, moi qui ai peine à porter cette houlette ? Comment dompterai-je les chevaux de guerre, moi qui tremble à chaque ombre qui passe ?

— Tu l’apprendras ici, dans cette nuit des limbes. L’archange qui marche auprès de toi t’enseignera les