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MERLIN L’ENCHANTEUR.

La curiosité me piqua alors de son plus vif aiguillon. Je me sentis consumé du désir de savoir leurs noms et ce qu’ils feraient sur la terre quand je n’y serais plus. Et moi qui osais à peine regarder le prophète un moment auparavant, tout à coup emporté par le désir plus fort que l’humilité, je m’approchai de lui et je lui dis :

« Oh ! par pitié ! dis-moi les noms de ceux-ci qui vivront après moi et qui fouleront la terre quand moi je serai dans le tombeau.

— Qui t’a appris ce que c’est que mourir, répondit le prophète, et comment est fait le tombeau, toi qui n’as pas encore vu le jour ?

— Par grâce, laisse-moi m’approcher de ceux qui vivront après moi. Écarte au moins le pli de leurs manteaux pour que je voie leur visage. Que ne puis-je les saluer au moins des yeux ! D’avance je me sens plein d’amour et de respect pour eux, comme s’ils devaient réchauffer mes os de leur haleine. Quel est celui qui vient le premier et qui est le plus grand ? Comme il marche avec assurance ! Et cet autre qui se tourne de mon côté ? Tous deux m’attirent également par des puissances différentes. Regarde ! ils voudraient m’appeler, ils me font signe ! Ah ! montre-moi leur visage. Dis-moi seulement quel sera leur nom, leur patrie. Sont-ils de mon pays, de ma race, de ma langue ? ou feront-ils honneur à une terre étrangère ? Dis-moi… »

Mais celui qui avait été jusque-là si indulgent m’interrompit avec sévérité :

« Toute curiosité n’est pas bonne ! me dit-il. Ne te