Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
MERLIN L’ENCHANTEUR.

dès le début sur le seuil de l’enfer, avec lequel je te suppose familier, et même au milieu du séjour d’éternelle douleur. Non que j’appartienne à l’école satanique (tu le verras bientôt), mais parce que la vérité me commande cette première scène. L’histoire parlait ; la tradition commandait ; il a fallu la suivre. Je commence, et toi, écoute.

II

As-tu vu jamais une assemblée délibérante divisée entre une foule de partis dont chacun s’efforce de perdre tous les autres ? Si tu as assisté un jour, un moment, à ce spectacle, tu ne l’as pas oublié. Tu sais alors comme chacun tend un piège sous chaque parole. Là, rien n’est plus périlleux que le sourire ; car il est le messager de la fraude, et la fraude traîne après soi la mort. Le silence aussi est trompeur, mais il ne dure qu’un moment ; il fait place aussitôt à un ricanement immense, écho de tous les esprits immondes, souterrains, que les ténèbres morales attirent comme la lampe funèbre attire l’essaim des papillons de nuit. Si tu as vu ce spectacle, tu te représentes déjà l’aspect de l’enfer, à l’heure où ce récit commence. Tu te figures le sot ébahissement de la foule, fière d’être bernée avec majesté ; les précautions oratoires, douces colombes, qui soudain se transforment en serpents ; la parole à chaque mot étouffant la pensée ;