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MERLIN L’ENCHANTEUR.

je vous ferai vos heaumes et vos targes dorées et vos brants d’acier fourbis ; vous n’aurez qu’à les prendre. »

Le grand Charles, voyant que son espérance était encore vaine, redevint comme un petit enfant, et il pleura.

Plusieurs autres demandaient au prophète, les mains jointes :

« Le temps de naître est-il proche pour nous ? »

Il leur répondit :

« Dormez votre sommeil de larves. Votre heure est encore loin. »

À ces mots, comme on voit une forêt verdissante se dépouiller en une heure de toutes ses feuilles, jusqu’à la dernière, au premier souffle de la bise de novembre ; de même, ces âmes se sentirent dépouillées en un moment de leurs espérances et de leurs joies prématurées. Elles s’en allèrent, en regardant à leurs pieds ; puis elles s’accroupirent sur la terre, en disant :

« Nous n’avons pas eu de berceau, pourquoi avons-nous eu un sépulcre ? »

Une seule, plus superbe, resta debout, et celle-là se mit à fouler sans pitié toutes les autres, pour arriver plus vite la première sous le soleil des vivants. Le prophète lui ferma le passage :

« Crois-tu déjà régner, toi, qui n’es encore qu’une larve ? Que poursuis-tu avec tant de colère ? Tous les autres ne semblent compter ici pour rien à tes yeux ? D’où te vient cet orgueil ? Dis, que cherches-tu ? que veux-tu ?