Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
MERLIN L’ENCHANTEUR.

— Non. Quiconque passe ces portes n’a pour guide que lui-même. »

Et, comme l’avare qui a été surpris auprès de son trésor caché, le pasteur des limbes se retira triste et inquiet ; il alla de nouveau compter les ombres ébauchées, les choses vaines qu’il avait sous sa garde ; car il craignait, dans son cœur, que le prophète ne lui eût dérobé les meilleures.

IV

Dès que Merlin fut entré, ceux qui étaient le plus près du seuil s’enfuirent ; ils parurent se dissiper pour toujours. Mais bientôt le désir immodéré de la lumière les ramena sur le seuil des vivants.

« Qui êtes-vous ? » demanda-t-il alors aux premiers qu’il aperçut. Et il songeait déjà à leur donner un nom.

À cette question chacun tourna ses yeux au dedans et sembla se chercher lui-même, interdit et désolé. Personne ne put répondre.

« Pourquoi vous hâtez-vous vers ces portes fermées ? demanda encore Merlin. Parmi vous il en est plus d’un qui se repentira d’être né. »

Aucune des âmes vagissantes dans les limbes ne comprit ce langage. Alors il s’approcha de l’une de celles qui étaient les plus impatientes de vivre.