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LIVRE IV.

« C’est à tort que le berger t’a laissé parvenir jusqu’ici. Un autre plus puissant que moi lui en fera le reproche.

— Tu vois, murmura le berger en entraînant Merlin, tu vois, prophète, ce que j’endure pour toi. Au moins garde-moi le secret. »

II

Par delà le vestibule, sur le seuil des limbes, étaient couchés des géants qui semblaient le garder, quoiqu’ils fussent endormis. Étendus au hasard, çà et là, ils avaient laissé entre eux quelque intervalle ; et c’est par ce sentier tortueux qu’il fallait s’ouvrir un passage.

Le berger toucha de son sceptre ceux qui dormaient ainsi devant sa bergerie.

« Ce sont, continua-t-il, les jours futurs qui attendent que le souffle matinal vienne caresser leur chevelure. Car ce sera pour eux le signe qu’ils doivent se lever. Alors ils se dresseront debout, le front illuminé des feux de l’aurore, et ils ne resteront pas éternellement nus et dépouillés comme tu les vois maintenant. Mais les uns seront revêtus d’une aube rougissante, les autres d’un nuage couleur de cendre, chargé d’éclairs et de tonnerres qui flottera jusqu’à leurs ceintures ; des diadèmes parsemés d’étoiles couronneront leurs têtes. Jusque-là, il faut qu’ils restent assoupis tous également