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LIVRE IV.

mes éternellement renouvelés des mondes naissants, les trésors de la grêle et de la pluie automnale, et ceux de la colère céleste. Dis-moi aussi où habite la lumière. »

Le pasteur des limbes eût voulu cacher le trésor amassé des choses futures et les promesses de la vie confiées à sa garde ; mais sa surprise fut si grande, qu’il ne fit aucune défense. Ayant remis sa flûte dans sa panetière, il prit sa houlette et montra au loin ses domaines, puis il en ouvrit la première barrière qui était de solives branlantes, entremêlées d’épines, comme dans la campagne de Rome.

Pendant que tous deux s’avançaient, une vapeur colorée, irisée de mille feux, les entourait. Elle était plus légère que la brume qui s’élève de l’herbe des prairies.

« D’où vient, ô berger, cette brume empourprée ? Elle n’est point fille de la pluie et de la rosée.

— Non, répondit le pasteur des limbes. Cette vapeur légère que tu vois s’élever sous tes pas, c’est la poussière lumineuse des mondes futurs.

— Eh quoi ! tout univers naissant n’est-il qu’une fumée ? Et moi, suis-je le fils de cette vapeur ? est-ce d’elle aussi que sont formés les dieux à la face dorée ?

— Ne t’inquiète pas des dieux ! Je te montrerai plus tard où ils naissent, car je suis aussi leur gardien. Prends garde, seulement, de dissiper d’une haleine un monde sans le savoir. »

À cette réponse, Merlin à demi perdu dans cette aube de vie, retint les paroles qui se pressaient sur ses lèvres ; cependant, il ne put s’empêcher de dire :