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LIVRE IV.

forment en secret, et balbutient dans le sombre atelier.

C’est d’abord, au plus épais du labyrinthe alpestre, vers Glaris, une longue avenue de montagnes pyramidales, sur des socles de marbre noir, qui touchent aux cieux ; et, à mesure qu’on avance, elles sont plus hautes et plus fières. À leurs pieds s’étendent de brunes forêts d’érables, comme des fourrures de peaux d’ours étalées, où dansent et bondissent les cascades au bruit des avalanches ; plus haut montent les sapins, et la pente est déjà si rapide qu’ils semblent enracinés sur la tête les uns des autres. Après eux l’herbe rude, tondue par les chamois, puis le roc chauve. À cet endroit pend le bas glacier comme le pis de la mamelle traînante de la génisse à travers les hautes herbes ; dans le fond, par delà de noirs chaos, se dresse le squelette nu, denté, éblouissant d’une cime de neige, trône glacé de la mort. Voilà par quelle bouche se précipite la Linth ; et son mugissement de taureau est étouffé dans le gouffre avant de monter dans les prairies. Éloignez de moi cette vision anticipée de l’enfer de glace.

De pâles nuages ponctués de noir s’enroulaient autour du pic le plus aigu, comme un collier de duvet sanglant autour du col d’un vautour. Mais le vent les promène ; puis ils enveloppent de la tête aux pieds le grand spectre de pierre et de neige ; ils se déchirent de nouveau, et laissent voir le piton qui émerge dans un golfe aérien de sombre azur.

C’est là que, du ciel aux enfers, la terre est fendue. De l’horrible crevasse monte une haleine froide, incon-