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LIVRE III.

— Qu’en a-t-on fait ?

— Tu les as conservés tous.

— Où ?

— Là, dans ton cœur. Regarde au fond, tu me verras moi-même.

— Je ne suis pas comme vous, seigneur, de sang royal.

— Ne fais pas le modeste ; tu me ressembles, mon fils, trait pour trait. Voilà mon front, mon air, ma taille, tel que j’étais à ton âge. Et c’est bien mieux au dedans : c’est là que tu gardes empreints mon lignage et mon blason. Même fantaisie vagabonde, même curiosité, même impossibilité de garder ton sérieux, mêmes aiguillons de la chair, aussi cuisants… Hein !… les connais-tu ?… Ces ressemblances intimes ne me trompent pas, mon cher ; moi-même, je les tiens en ligne droite de notre bisaïeul.

— Mais une chose me distingue de vous et de votre famille.

— Laquelle, je te prie, mon enfant ?

— L’espérance.

— Ah ! oui ! attends à demain. Tu la perdras comme je l’ai perdue ; elle tombe pour nous avec les cheveux. Il te restera comme à nous l’occasion chauve que tu ne pourras saisir dans les siècles des siècles. Rends-toi donc !

— Je ne puis me soumettre si vite.

— Tu ne peux te soumettre ?… Précisément ; je fus, je suis, je serai toujours ainsi.