Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
MERLIN L’ENCHANTEUR.

fit fête à Merlin, comme à l’enfant préféré de la maison.

Alors son père, en s’approchant de Viviane :

« Peste, Merlin ! la jolie fille ! C’est sans doute ma bru !… Quels yeux ! quelle bouche, ma mie !… Quel incarnat ! quelle taille ! Elle ne dédaignera pas la maison paternelle ? Chers amis, vos noces se feront ici ce soir, car il me semble, Merlin, que tu les ajournes trop. J’entends dire que tu donnes prise par là à la critique du monde. »

Pendant ce temps, Merlin était tombé dans une morne stupeur ; il semblait insensible. C’était la première fois que sa parenté avec l’enfer était solennellement publiée, et que les abîmes étaient pris pour témoins. Jusque-là, il avait eu un pressentiment vague, confus ; mais le secret n’était encore sorti d’aucune bouche mortelle. Aussi, s’obstinant à douter, il murmurait :

« Vous, mon père !… Moi, votre fils !… Vous vous trompez, seigneur…

— N’étouffe pas la nature, mon enfant ! elle te parle mieux que je ne ferais moi-même.

— Mais encore, où sont les signes ?

— Connais-tu cette tresse de cheveux ?

— Ils sont peut-être supposés.

— Doucement, esprit fort ! Et ce bracelet où est gravé ton chiffre avec celui de Séraphine ?

— Je voudrais d’autres signes.

— Je les ai mis dans ton berceau.