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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Croyez-vous ce que vous dites, ou est-ce seulement pour nous consoler ?

— Je le crois, dit Merlin en pleurant.

— Quoi ! vous pleurez ! il y aurait une heure de pardon ?

— Oui, si vous pouvez encore aimer quelque chose. »

Il y avait une si grande bonté dans Merlin, que même les âmes de bronze ne purent lui résister. Il semblait qu’elles allaient se fondre comme le métal, quand sous un feu plus ardent il commence à se liquéfier.

Ce moment fut une heure d’espérance qui traversa toutes les régions de l’enfer. Astaroth, Asmodée, Méphistophélès, Cagnazzo, Malacoda eux-mêmes se prirent à sangloter, et, s’approchant de Merlin, ils lui dirent un mot qu’ils avaient appris sur la terre : « Chevalier, changeons de conversation ! » Puis, rejetant eux-mêmes l’espérance, ils se servirent de leur arme la plus dangereuse, l’ironie, le ricanement, pour déconcerter Merlin. Tous étaient sûrs que par une fausse honte, un vain respect humain, il se livrerait lui-même.

Mais, qu’ils le connaissaient mal ! La meilleure qualité de Merlin, après la bonté, était de défier la raillerie, quand il suivait une conviction. Loin de l’abattre, les moqueries des démons ne firent que l’enhardir. Il continua de souffler partout l’espoir. Cependant l’anxiété commença pour lui lorsqu’il chercha le roi de l’enfer. À chaque pas, il souhaitait, il craignait de l’apercevoir. Tout à coup, à l’endroit où le chemin se recourbe, il