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LIVRE III.

IV

Explique qui pourra cette bizarrerie !

Dans le même temps qu’il bâtissait des églises colossales (qui le croirait ?), son désir secret, son ambition suprême était de visiter l’enfer. Je pense, pour ma part, qu’une curiosité maladie, un désir fiévreux de contrastes, ou plutôt un instinct filial irréfléchi, le poussait de ce côté. Il ne rencontrait pas sur son chemin une caverne, une fente dans un rocher, une ride dans la terre sans s’arrêter et demander si ce n’était pas là le chemin des mondes infernaux. Le plus souvent on le regardait avec étonnement. Il ne se décourageait point pour cela.

« J’ignore, disait-il ingénument, ce qui m’attire malgré moi vers ces régions désolées. D’autres avant moi ont été poussés à les visiter par la curiosité, ou par je ne sais quelles convenances poétiques. Pour moi, il me semble que c’est un devoir strict de faire au moins vers ces lieux un court pèlerinage. Si je l’osais, j’avouerais que j’ai comme le mal du pays, toutes les fois que j’y songe. »

Il n’en disait pas encore assez. Véritablement, il eût dû avouer que la pensée, le désir, la crainte, le vague espoir de retrouver son père étaient au fond de chacune de ses aspirations vers l’abîme.

Viviane ignorait ce secret ; elle aida Merlin à accom-