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MERLIN L’ENCHANTEUR.

même, durent ramper pleins de vertige jusqu’à la pointe de la flèche.

La fleur de trèfle du jardin de Merlin avait été une des raisons de son changement de croyance. C’en fut assez pour qu’il mit partout des trèfles de pierre dans ses constructions. Après quoi, il leur donna par un dernier effort, ce qu’il avait donné à ses œuvres précédentes, la puissance enchanteresse, qui prend le cœur des hommes avant qu’ils s’en aperçoivent.

Par malheur, Merlin était fantasque. Sa foi était moins profonde qu’il ne pensait ; et c’est pourquoi son architecture grandiose est néanmoins grêle et chancelante. Quelquefois même il arrivait que Merlin, avant d’avoir achevé son temple, avait changé de croyance. Quel n’était pas alors son embarras ? Je vous le laisse à deviner. Il lui était impossible de terminer ce qu’il avait commencé ; témoin la cathédrale de Cologne, que Merlin avait entreprise plein de foi, le lendemain de la rencontre du Christ, et qu’il dut laisser dans l’état où on la voit aujourd’hui, la grue hissée sur la muraille. Vingt fois, le bon Merlin, qui craignait par-dessus tout d’affliger une âme, sollicité par les Teutons, voulut reprendre l’œuvre interrompue ; vingt fois il dut renoncer à l’œuvre qu’il avait cessé de comprendre. Merlin, ai-je dit, avec ses grandes qualités était capricieux ; je ne l’en excuse pas ; mais, ce qui lui fait beaucoup pardonner, il était véridique.