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LIVRE III.

ramée, ne buvant que rosée, il inventa l’ogive et fit, pour leur complaire, une forêt feuillue de pierre, peuplée d’oiseaux de granit, semée de fleurs de marbre ou de porphyre, quelquefois d’émeraudes, partout profonde, immense, enténébrée.

Ceci leur plut à tous ; chacun voulait avoir un plan de sa main. Les forces de notre héros suffisaient à ce travail, tant il avait le cœur naturellement grand et généreux, quand rien ne le contrariait. Vous l’eussiez vu, chantant, sifflant, le marteau à la main, jusque bien avant dans la nuit, transporter de noirs rochers moussus, dont il brodait les cathédrales. Architecte, maçon, charpentier, imagier, foliacier, il tailladait le fer, il festonnait la pierre, dentelait le bois, enluminait les vitraux de vermillon et de bleu d’outremer. Comme il n’embrassait rien froidement, que tout chez lui devenait enthousiasme, passion, il n’était plus occupé que de colonnes, colonnettes, nefs, bas-côtés, arceaux, imitant dans le granit les guipures du voile de la reine Genièvre ou d’Isaline. Plus d’une fois Viviane en prit un peu d’humeur ; elle cachait ses outils, toujours en vain.

Une foule d’animaux le suivaient essoufflés ; salamandres vertes, noirs dragons de Kylburn, hommes des bois, guivres, gorgades au corps de bouc ; il leur commanda de s’accroupir en silence pour l’éternité au haut des chapiteaux, ce qu’ils firent incontinent. D’autres reçurent l’ordre de soutenir de leur dos et de leurs pattes contractées les voussures des nefs ; quelques-uns