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MERLIN L’ENCHANTEUR.

intervalle, après chaque soupir, leur note mordante, pointée ; les basses étaient soutenues par cinquante merles jaseurs, cinquante corneilles centenaires.

Premières fiançailles des âmes, mariage des esprits, inexplicables sympathies, parentés de nature, alliances, élans, consanguinité de deux cœurs qui, sans se connaître, courent, volent, se précipitent au-devant l’un de l’autre ; liens de fleurs, ou plutôt de diamants ; conversations sans voix, langage des regards, témoignage des pleurs, promesse des yeux, consentements muets, sourires intérieurs, premiers dons du matin, invisibles contrats, scellés de rosée entre les mains de l’enchanteur, datent de ce jour-là.

Quant à la cérémonie, Merlin voulut y mettre une certaine solennité. La plus importante fut son discours à tous les couples réunis devant lui ; il le termina par ces mots :

« Allez, soyez heureux ! je vous bénis. À tous les titres, barde, devin, prophète, roi, enchanteur, je vous le dis, il n’est point de félicité terrestre hors du mariage légitime, tel que je viens de le célébrer par des rites solennels. Hors de là, pas une heure assurée ; des plaisirs toujours effarouchés dont il faut rougir encore ; l’âme inquiète et bourrelée ; et quelle joie, je vous prie, que le partage impie, frauduleux de soi-même ?…

« Fuyez donc ces prétendues épousailles où l’on prend vaguement les nues à témoin, sûr moyen de vous manquer de parole. Prenez tous un témoin sérieux devant Dieu et les hommes. Que le chêne soit