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MERLIN L’ENCHANTEUR.

— Qu’ils viennent ! reprit la foule des titres alors accomplis qui remplissaient la forêt.

— Quand ils viendront, dit Merlin (et cela ne peut tarder beaucoup), n’oubliez pas au moins mes derniers conseils. Je vous prête ma puissance : vos voix de sirènes iront partout ; vous ébranlerez le cœur des peuples… Dès que votre langue sera déliée, répandez la sagesse sur la terre. Publiez la vérité, semez la justice, louez la liberté. Quand vous parlerez d’amour, que ce soit en rougissant ! »

Tels furent les commandements suprêmes qu’il donna à ce peuple au moment de le quitter. Il y ajouta peu de lois, à peine quelques règles très-flexibles, très-larges, accommodées au génie de chacun. La première était la beauté, qu’il n’était permis de négliger en aucune circonstance de la vie, sous aucun prétexte, ni dans les larmes, ni dans le rire ; la seconde, le plaisir ; la troisième, la sérénité. Tout à peu près permis contre l’ennui, aisé à reconnaître de loin à ses ailes de plomb. Rien qui ressemblât au travail ; un air de fête, ou tout au moins d’aisance ; nulle contention, nulle gêne ni fatigue. Point d’artifice et beaucoup d’art ; point de fard, et pourtant un teint de lis. Même dans les fers, il fallait sembler libre.

À ces commandements, les femmes répondent par un cri d’extase ; les hommes s’inclinent, la main sur le cœur, et promettent sans débattre ce que voulait Merlin.

À ses pieds se traînèrent alors des formes étranges,