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LIVRE III.

l’ombre d’un beau pin d’Italie, accoururent pour se joindre au cortége, et toutes ensemble, se tenant par la main, formèrent une ronde autour de notre enchanteur. Vous les eussiez prises pour les heures matinales dansant autour du prince du jour à son réveil, ou plutôt pour les belles vendangeuses autour du roi de la vendange ; car elles semblaient enivrées, non de raisins, mais d’un innocent espoir. En cheminant, elles tressaient pour Merlin un chapeau de fleurs qu’elles lui mirent sur la tête. Le bon Merlin le portait en souriant ; Viviane en prit un peu d’ombrage : elle gardait le silence. Merlin aussi était muet : c’était d’admiration. Il eût voulu demander : « Sont-elles vraiment mes sujettes ? » Mais il ne l’osa pas.

Un peu plus loin, par delà un sommet jonché de pierres moussues, il découvrit, à travers de vastes landiers, des groupes d’hommes, sans pouvoir discerner si le bruit qu’il entendait dans ce lieu était le murmure d’un ruisseau, ou le chuchotement du feuillage, ou la conversation de ces inconnus ; pour s’en assurer il doubla le pas.

Étant descendu vers eux, il leur demanda :

« Qui êtes-vous ? »

Ceux-ci répondirent l’un après l’autre :

« Je suis Roland ! — et moi Hamlet ! — et moi Tancrède ! — et moi Alceste ! — et moi Lara ! — et moi don Quichotte ! — et moi Othello ! — et moi Saint-Preux ! Est-ce toi qui viens nous ouvrir les portes du monde réel ?