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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Viviane faillit être jalouse. Déjà elle se repentait d’avoir amené l’enchanteur en ces lieux.

« Qui êtes-vous ? » demanda-t-il sans chercher à cacher son ravissement.

Elles répondirent l’une après l’autre, avec des accents divers :

« Moi, je suis Titania ! — et moi Angélique ! — et moi Juliette de Vérone ! — et moi Desdémone de Venise ! — et moi Ophélie ! — et moi Clorinde ! — et moi Julie ! »

Merlin se tourna vers un autre groupe de femmes dont chacune, les yeux arrêtés, les lèvres entr’ouvertes et frémissantes, eût pu figurer le génie de l’attente. Elles lui dirent :

« Je suis Chimène ! — et moi Herminie ! — et moi Clarisse ! — et moi Virginie ! »

D’autres encore essayèrent de parler ; toutes étaient si impatientes de se révéler que chacune ne trouva place que pour prononcer son nom ; puis elles se turent avec un soupir.

« Pourquoi soupirez-vous ? dit Merlin. Que voulez-vous de moi ?

— Nous attendons celui qui doit nous donner la liberté et la parole. Est-ce vous ? Soyez notre roi ! »

Titania raconta alors comment elle avait été enchaînée par un sylphe à une tige de romarin. Elle poussait de faibles gémissements : Merlin s’empressa de la délivrer. Et elle se mit aussitôt à courir sur les fleurs sans les courber. Griselidis, la Joconde, qui se tenaient à