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LIVRE III.

Quelques chimères à l’œil luisant, que j’ai moi-même retrouvées à la même place, sous de hautes fougères, çà et là des licornes, qui aiguisaient tranquillement leurs défenses, des salamandres au ventre d’or, des ibis, des phénix, des sansonnets tachetés de noir et de blanc, des alcyons, des pélicans, des ichneumons, surtout des oiseaux bleus, couleur du temps, accueillirent nos voyageurs à l’entrée. Ajoutez-y plusieurs chevaux dont les étriers résonnaient avec fracas contre le tronc des arbres des fées. C’était Bayard, le cheval des quatre fils Aymond ; c’était Brigliadoro de Roland, c’était Valentin qui attendait Charlemagne en broutant les charmilles. Tous hennirent à l’approche de Merlin, comme s’ils eussent senti déjà l’aiguillon de la chevalerie.

Un orage qui avait menacé dans la nuit s’était dispersé le matin en grondant. Un air tiède et doux, un ciel pur, le premier souffle du printemps, en chaque chose ; il semblait que la nature voulait prêter son enchantement à cette journée.

La curiosité de Merlin était au comble. Il jetait autour de lui de longs regards ; il eût voulu deviner comme toujours le sens des mots avant qu’ils eussent été prononcés.

Viviane dit avec solennité :

« Nous approchons, parlons bas. Le monde, toujours aveugle, croit, jusqu’à cette heure, que les poëtes trouvent dans le creux de leur fantaisie les êtres radieux, aériens, charmants, ailés, dont ils peuplent l’univers ! À les entendre, ils n’ont qu’à puiser à flots dans leur