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PREMIÈRE ARGUMENTATION.

la nature[1] ; voilà le vrai principe philosophique d’où découlent les possibilités de certaines ressemblances et l’impossibilité de certaines autres ; voilà le principe rationnel d’où celui des analogies de plan et de compo-

  1. Je ne connais point d’animal qui doivent jouer un rôle dans la nature. Cette idée est loin, selon moi, de former un principe recommandable ; j’y vois au contraire une grave erreur contre laquelle je m’élève sans cesse avec le sentiment de rendre un important service à la philosophie. Prenons garde d’expliquer ce qui est par des rapports nécessaires, après avoir renversé les termes du raisonnement. Dans cet abus des causes finales, c’est faire engendrer la cause par l’effet. Ainsi sur la remarque qu’un oiseau parcourt les régions de l’atmosphère, vous concluriez qu’il lui est accordé une organisation pour suffire à cette destination ? vous admireriez comment en effet il a, pour peser moins, des os creux et une ample fourrure de plumes légères, comment son extrémité antérieure se trouve à point nommé extraordinairement agrandie, etc. ! J’ai lu aussi, au sujet du poisson, que parce qu’il vit dans un milieu plus résistant que l’air, ses forces motrices sont calculées pour lui procurer tel mode de progression ; que parce qu’il fait partie de l’embranchement des vertébrés, il doit avoir un squelette intérieur. À raisonner de la sorte, vous diriez d’un homme qui fait usage de béquilles, qu’il était originairement destiné au malheur d’avoir l’une de ses jambes paralysée ou amputée.

    Voir les fonctions d’abord, puis après les instrumens qui les produisent, c’est renverser l’ordre des idées. Pour un naturaliste qui conclut d’après les faits, chaque être est sorti des mains du Créateur avec de propres conditions matérielles : il peut, selon qu’il lui est attribué de pouvoir : il emploie ses organes selon leur capacité d’action.