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SCIENTIFIQUE.

d’une idée qui a fourni au sentiment anatomique de toute sa vie ; c’est l’examen des papilles sur toutes les surfaces internes et externes, et sur toutes les places où il a pu porter son investigation. Il avait fait demander aux marins baleiniers des bouts de sein de baleine, et il en possédait deux exemplaires dans de l’eau spiritueuse. Il avait dans un troisième flacon le bout de sein d’une femme, et ce sont les seules pièces qu’il étudia et qu’il compara entr’elles en même temps qu’avec d’autres surfaces papilleuses, soit de la langue, soit de membranes fœtales. Je défie qu’on trouve autre chose dans Ruisch. Il pensait de ces bouts de sein comme on en pensait dans notre bon vieux temps ; sentimens qui se sont prolongés jusqu’au jour de mes premières réclamations. Ruisch a donné de fort belles figures, belles, oui, comme dessin et gravure ; mais ces figures n’out pu donner à connaître que des faits restreints, ceux[1] des portraits du relief placé sous l’œil du peintre. Or ce relief, c’était un bout de sein, ici montré en sa totalité, là figuré par moitié, puis, ailleurs, aussi établi fendu et représentant l’intérieur d’un canal. Ainsi, dans ce ductus lactiferus, il ne s’agit point du vaste réservoir que j’ai découvert, mais uniquement de ces conduits lactifères proprement dits, lesquels, dans le langage de l’anatomie humaine, s’entendent d’une autre combinaison organique. Ruisch s’est borné à rappeler un canal par où coule le lait : ce qui ne s’applique point du tout au bout de sein canalisé (urétro-mamellaire) des Cétacés.

La citation porte encore : sulcatus et singularis. Sulcatus exprime que le bout du sein est au fond du sillon : puis singularis serait l’épithète que j’eusse voulu là rencontrer : le but de mon travail étant d’expliquer en quoi consiste l’état extraordinaire de cette nouveauté organique. Je le répète, il n’y a d’employés dans les recherches de Ruisch que les faits du sillon mamellaire, ceux du prétendu bout de sein qui s’y trouve contenu.

Enfin, la citation est terminée par in ubere Balænæ. Ruisch comptait-il avoir eu sous les yeux toute la mamelle d’une baleine ? Sans doute il le croyait, comme l’ont toujours cru sur ce point visuel tous les observateurs avant moi, M. Le Maout à l’égard des

  1. Quiconque, pour faire connaître tout l’appareil urinaire d’un Mammifère, n’aurait décrit que le canal externe ou l’urètre servant au trajet de l’urine, ayant ainsi omis et la vessie urinaire et les glandes rénales logées profondément, serait tombé dans la même méprise que Ruisch, quand ayant figuré un bout de sein chez la Baleine, il a supposé en avoir donné toute la mamelle. C’était au surplus une erreur inévitable au commencement du dix-huitième siècle.