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D’APRÈS LES ANCIENS.

Mais, de plus, cet instinct, qui les anime et les tient en prescience, leur inspire, au moment de mettre bas, d’aller gagner des havres, des anses de rochers, des lieux sans beaucoup de profondeur d’eau. Le soleil élève la température de ces localités, qui deviennent, pour ces nouveau-nés, un lieu de dépôt supplémentaire, et comme de nichée.

Les Grecs avaient porté leur attention sur ces actes de prévoyance maternelle ; et sachant que les cétacés, toujours immergés dans les eaux de la mer, sont en fréquentation continuelle avec les côtes, ils en avaient pris sujet de les nommer des animaux de double vie, des bêtes de double nature, et qui vont tant dans l’eau que sur la terre[1].

L’on conçoit la nécessité d’une compensation, si les cétacés naissent plus incomplètement organisés et plus frêles que la plupart des mammifères nouveau-nés ; de là les besoins de l’assistance maternelle et l’à-propos du domicile buccal, lequel d’ailleurs ne saurait convenir que pour les premières journées après la naissance, vu l’extrême rapidité de l’accroissement des cétacés. Il ne fallait donc rien moins que ce concours d’événemens pour assurer la perpétuité de l’espèce.

En définitive, je laisse à juger s’il existe là suffisamment de motifs pour que nous dussions croire aux récits des anciens, touchant les cétacés à leur entrée dans la vie, et s’y engageant dans un état de souffrance, infantiâ infirmos ; et si, quant aux premières journées, les mêmes compensations qu’aux kangurous ne leur ont point été ménagées et accordées par la nature. À un cri d’appel, les petits marsupiaux sont ralliés ; un asile leur est offert, où ils se blottissent pour que leurs mères les emportent au loin et les sauvent de tout danger.

Je termine par une dernière réflexion, c’est qu’il ne convient point, dans tous les cas, d’ériger en principes

  1. Belon, Nature et diversité des poissons, liv. Ier, chap. IV.