les plus rares. Mes deux sœurs, pendant ce
temps-là, s’ébattaient sur les pelouses avec mes
frères, sous la surveillance de nos tantes, et ma
mère, en grande toilette, accompagnée de Monsieur
Gobert, qui portait son pliant, son tabouret
et son ombrelle, traînait l’interminable queue
de sa robe sur le sable de la terrasse.
Chacun de nous faisait tous ses efforts pour ne pas se laisser gagner par l’ennui. Nous sortions en voiture, nous montions à cheval, nous faisions des parties de chasse et de pêche. Nous avions d’aimables voisins qui venaient nous voir. Nous changions jusqu’à trois et quatre fois de costume par jour. Enfin, notre existence était supportable.
Vers le milieu du mois de septembre, arriva au château une nouvelle qui me transporta de joie.
Mon cousin Alfred allait venir nous rejoindre et passer avec nous la fin de la saison. Il faut ici que je dise quelques mots de ce cousin. Il était fils unique de celle des sœurs de mon père que nous appelions tous à la maison, « ma tante Aurore », parce qu’elle ressemblait trait pour trait à l’actrice qui remplissait le rôle de ce nom dans je ne sais quel opéra-comique. Alfred et moi, nous avions été élevés ensemble. Étant si proches parents, presque du même âge, — Alfred n’avait qu’un an de plus que moi, — nous ne nous étions, pour ainsi dire, pas quittés durant notre enfance.