Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
55
D’UNE COCODETTE


coupable, à soixante ans passés, du nouveau rejeton qui allait lui naître. L’attitude de ma mère avait quelque chose de gêné et de touchant. Il est évident que sa pudeur souffrait de montrer au public, pour la sixième fois, qu’elle s’était laissé endoctriner[1] par un homme.

Quant au Gobert, il rayonnait. Pour un rien, si on l’eût laissé faire, il aurait mis un écriteau à son chapeau portant ces mots, en grandes lettres : « C’est moi qui suis l’auteur de l’aimable délit. »

Si j’avais été homme, je l’aurais giflé !

Une chose me surprenait, chez ma mère, plus encore que sa grossesse.

Elle qui m’avait éloignée de sa maison parce que mes charmes de seize ans lui portaient ombrage, comment n’avait-elle point hésité à me la rouvrir, quand j’avais dix-neuf ans, et que j’étais dans toute l’efflorescence luxuriante de ma beauté ? Loin de se montrer jalouse maintenant, elle paraissait fière de moi, se faisait une fête de me produire.

Je me cassai longtemps la tête à chercher la cause de cette singularité. Cette cause était cependant bien simple : mon excellente mère ne pouvait rien opposer à une chose irrémédiable,

  1. Variante, ligne 6, au lieu de s’était laissé endoctriner ; lire : avait daigné compatir aux souffrances ;