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SOUVENIRS


J’étais déjà perdue. Je n’hésitais plus.

Je n’étais d’ailleurs, ce jour-là, que trop disposée au plaisir par la contagion de l’exemple. Quoique je fusse d’un tempérament fort paisible, la première leçon de volupté que j’avais reçue la veille avait développé en moi de soudains appétits.

Carmen s’était enfoncée sous la table de travail. Tout à coup[1], je sentis un froid de glace me saisir les jambes. Mes jupes avaient été relevées. En me renversant en arrière, j’apercevais la tête rieuse de Carmen assise à terre.

Elle avait appuyé sa joue contre l’un de mes genoux, et elle me prodiguait les mêmes caresses que je l’avais vue, la veille, à ma grande stupéfaction, faire à Aglaé. Mais alors, je n’avais même plus lieu d’être stupéfaite.

Une sensation inconnue, extraordinaire, s’était peu à peu emparée de tout mon être. Je me sentais les membres accablés et j’avais le cerveau en feu. Mes lèvres et ma langue seules étaient froides comme la mort même. Je m’arrête. Aussi bien, je ne saurais reproduire exactement et complètement la sensation aussi pénétrante qu’effrayante qui me possédait tout entière. Ce que je me rappelle, c’est que, plus qu’Aglaé, je

  1. Variante, ligne 8, au lieu de Tout à coup, etc ; lire : Je voulus résister, mais en vain. Elle me maîtrisa. J’étais perdue.