Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
SOUVENIRS


C’était fini[1]. Mais j’étais si fort consternée que je ne dormis pas de la nuit.

Je n’eus même pas l’idée de parler à âme qui vive de la petite scène de débauche juvénile dont j’avais été le témoin involontaire[2]. Mais aux airs mystérieux et aux chuchotements de mes camarades, je compris que je n’avais pas été la seule à voir ou à deviner ce qui s’était passé. Une chose me confirma dans cette idée, c’est que la petite Carmen, que tout le monde, habituellement, gâtait et caressait pour ses malices et sa beauté, fut assez maltraitée[3] le lendemain par le banc des grandes. « Petite sale ! Petite vilaine ! » lui disait-on. Et on lui décochait[4] des coups de pied. La gamine en riait, tirait la langue. (Cette enfant ne comptait pas plus de douze à treize ans.) J’appris, depuis, que c’était elle qui, avec ses mauvaises mœurs, avait corrompu notre couvent.

Tout y aurait été parfait, sans elle.

Carmen s’était-elle doutée que j’avais surpris le secret de son aventure ? ou voulait-elle m’en-

  1. Variante, ligne 1, au lieu de C’était fini. Mais j’étais ; lire : Quant à moi, spectatrice involontaire, je me sentais.
  2. Variante, ligne 5, au lieu de involontaire ; lire : malgré moi.
  3. Variante, ligne 12, au lieu de maltraitée ; lire : ma reçue.
  4. Variante, ligne 14, au lieu de décochait ; lire : détachait.