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D’UNE COCODETTE


grands noms de la noblesse de toute l’Europe[1] étaient partout inscrits sur les tableaux d’honneur. Moi, qui n’étais que la fille aînée d’un pauvre comte italien, exilé, je me sentais toute petite dans cette noble compagnie. Néanmoins, je n’eus pas à me plaindre de l’accueil qui me fut fait. Ma grande taille, l’éclat de mon teint, produisaient leur effet ordinaire. On me trouva très belle.

On s’étonnait que mes parents aient eu si tard l’idée de me mettre au couvent. Je ne me rappelle pas si j’ai dit que, dès mon enfance, j’avais montré les dispositions les plus heureuses pour la musique, et que la nature m’avait douée d’une remarquable voix de contralto.

Cette voix était ronde, mélodieusement timbrée, très expressive. Ma mère s’en souciait peu, car elle n’aimait pas la musique ; mais elle faisait l’orgueil et la joie de mon père. Elle me valut l’affection de toutes les bonnes sœurs et de mes compagnes. L’organiste du couvent étant tombé subitement malade, je m’offris pour le remplacer, et, le dimanche suivant, à la messe, sans prévenir personne, m’étant mise à chanter avec toute mon âme l’Ave maris Stella, de Pergolèse, j’obtins un tel succès qu’on faillit m’applaudir.

En peu de temps, je me trouvai si bien à mon couvent, tout y était si confortable, si propre, si

  1. Variante, ligne 1, au lieu de de toute l’Europe ; lire : française.