Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
38
SOUVENIRS


voir que nous étions tous deux victimes de cet affreux Tartufe de Gobert.

Cependant, je ne voulais pas le dire à mon père. Je serais plutôt morte que de prononcer un mot qui pût éveiller ses soupçons. Mais j’étais si profondément ulcérée de la conduite de ma mère, que je ne pus retenir un cri du cœur, un cri trivial, peut-être, mais que toutes les femmes comprendront :

— Hélas ! dis-je la larme à l’œil, mes sœurs, qui ont dix et douze ans, qui savent à peine lire, restent à la maison. Moi, qui en ai seize, on me chasse. C’était pourtant assez de porter des robes abricot !

Mon père avait toute la finesse d’un Florentin. Il dut comprendre l’allusion.

— Ma belle Aimée, dit-il en se levant, tu entreras au couvent demain, et, ce faisant, tu rempliras de joie le cœur de ton père.

Les préventions que j’avais contre le couvent s’évanouirent toutes dès que je me vis installée dans celui que mon père m’avait choisi. Je ne trouve pas utile de le nommer. Je me contenterai de dire qu’il était l’une des maisons d’éducation les plus aristocratiques du faubourg Saint-Germain[1]. Les noms les plus brillants, les plus

  1. Variante, ligne 25, au lieu de du faubourg Saint-Germain ; lire : de l’Europe.