mariée, et, d’ailleurs, nous n’avions aucun soupirant
sous la main. Elle s’avisa de dire que mon
instruction n’avançait pas, à la maison, que j’étais
paresseuse et ne songeais qu’à la toilette. De
là à faire naître l’idée de m’envoyer dans une
maison d’éducation, pour y compléter mes études,
il n’y avait que l’épaisseur d’un mauvais sentiment,
et c’était peu de chose pour une femme
qui vivait dans la dépendance[1] de M. Gobert.
Mais, dans cette circonstance, ma mère devait
savoir qu’elle aurait deux résistances à vaincre,
la mienne et celle de mon père. Elle fit adroitement
tout ce qu’il fallait pour les faire plier toutes
deux.
Quoique je ne m’attendisse à rien de précis, je sentais instinctivement qu’un orage était sur ma tête. Ma mère se montrait trop bienveillante pour moi, trop tendre pour mon père. Mes soupçons devaient s’éveiller forcément. Quand nous étions à table, tous réunis, le Gobert à sa droite[2], elle ne laissait pas échapper une occasion de s’extasier sur ma précoce intelligence. « J’étais le portrait vivant de mon père, » disait-elle, « il ne me manquait que de l’instruction. Il était bien fâcheux qu’on n’eût pas eu l’idée, depuis