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D’UNE COCODETTE


Pétrifiée, scandalisée, j’étais restée en place, pouvant à peine respirer. Ni l’un ni l’autre ne bougeait, ne se dérangeait.

Ils devaient cependant me savoir là[1].

De ma place, je voyais les belles jambes de maman, découvertes jusqu’à mi-cuisses.

Elle avait ses deux bras languissamment posés sur les épaules de son amant.

Je ne pouvais voir son visage, mais je voyais très bien celui de M. Gobert. Il avait la face très rouge et les yeux tout blancs.

Je ne savais que faire de moi-même[2].

Je comprenais et ne comprenais rien.

Je n’osais ni avancer ni m’en aller.

J’étais là, droite, fixe, et les mains baissées[3],

     a placé le pays de Rabelais, de Montaigne et de Brantôme très au-dessous de ce qu’il était intellectuellement sous les règnes des princes de la maison de Valois, ne me permettrait pas, sans exposer mes éditeurs et moi, de me servir des expressions textuelles de ce jugement. Je me vois obligée de renvoyer aux journaux du temps les personnes qui seraient curieuses de le relire, la presse judiciaire ayant des privilèges qui manquent à la littérature. E. F.

  1. Variante, ligne 4, après savoir là ; lire : même aujourd’hui, après plus de trente années d’intervalle, au seul souvenir de cette scène, les mains, en écrivant, me tremblent encore.
  2. Variante, ligne 12, après moi-même ; lire : Je me sentais honteuse.
  3. Variante, ligne 15, au lieu de baissées ; lire : pendantes.