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SOUVENIRS


incomparable, n’était autre que la toilette.

À une époque où le luxe était bien loin d’avoir atteint les proportions qui font tant crier aujourd’hui, où les gens les plus riches, s’inspirant de l’exemple de la cour du roi Louis-Philippe, se contentaient d’une existence des plus modestes, tout, chez nous, passait en nippes, en chiffons, tout s’en allait en belles lingeries, en satins, velours et dentelles. Les dentelles surtout étaient la passion de ma mère. Elle en mettait partout, à ses corsages, au dos[1] de ses chemises de jour et de nuit, à ses[2] camisoles et ses jupons[3]. Je dois convenir immédiatement qu’elle avait un goût délicieux. Jamais aucune femme ne sut s’habiller comme elle. Elle employait toute son intelligence et tout son temps à faire la fortune des marchandes de modes et des couturières. Dès le matin, en sortant du lit, elle se trouvait sous les armes. Ses pantoufles, ses bas, ses jarretières, ses jupons, ses rubans de taille et de cou, tout était dans une harmonie parfaite. On pouvait lever tous ses voiles, on était sûr de ne rencontrer que des choses délicieuses, dessus et dessous. Elle ne portait jamais le moindre bijou. C’était son luxe. Je renonce à décrire les diffé-

  1. Variante, ligne 11, au lieu de dos ; lire : bas.
  2. — ligne 12, après à ses ; lire : peignoirs.
  3. — ligne 12, après jupons ; lire et même à ses bas.