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D’UNE COCODETTE


trice, une respectable dame anglaise, de même que ma mère et mes deux tantes, ne cessaient de me taquiner à ce sujet.

Je voudrais bien parler de mon éducation. Malheureusement, mes souvenirs sont demeurés un peu confus à cet égard. Tout ce qu’il m’est possible de m’en rappeler aujourd’hui, c’est que le plus grand nombre des personnes qui m’entouraient semblaient s’être donné le mot pour me maintenir dans une ignorance absolue sur la différence des sexes. On aurait dit que le salut de ma vie était dans cette ignorance. Peut-être n’avait-on pas absolument tort.

Je ne serais pas femme si je n’aimais pas à parler de moi-même. Sans me vanter, je puis dire qu’à seize ans, j’effaçais toutes mes compagnes. Il y avait surtout en moi une chose qui obligeait les personnes les plus indifférentes à me remarquer : c’était ma taille qui dépassait en hauteur, je pourrais ajouter « en élégance » tout ce qu’on avait vu jusqu’alors. Les plus longues, les plus minces, les plus sveltes, les plus souples Anglaises, résidant à Paris et partout, admirées par leur grâce native, n’existaient pas, pour ainsi dire, auprès de moi. Mon père qui, en sa qualité de membre de l’Institut, se plaisait aux comparaisons classiques, chaque fois qu’il me voyait assise au milieu d’un cercle de jeunes filles, les dominant de toute la tête, disait invariablement que