Aussi loin que mes souvenirs se reportent, je
vois sa fréquentation et son amitié recherchées
par les hommes les plus distingués. Notre maison
qui était pleine, du haut en bas, de bouquins
poudreux, de cartes de géographie, de plans en
relief, et de pièces anatomiques, ne désemplissait
pas d’étrangers qui venaient consulter mon
père sur les moindres problèmes concernant
l’origine et la filiation des peuples, l’histoire naturelle
de l’homme, les mœurs et les coutumes
des différentes races humaines, problèmes qui les
passionnaient tous à un point que je ne saurais
expliquer. Comme j’étais l’aînée de mes frères et
sœurs, mon père m’avait prise en affection particulière,
se figurant, je ne sais pourquoi, que je
pouvais, plus que tout autre, m’intéresser à ses
études.
La vérité était que je n’y comprenais pas grand chose et, toute enfant, comme jeune fille, je les admirais de confiance. Mon père représentait à mes yeux ce qu’il y a de plus noble et de plus élevé dans la créature[1].
Ce que je connaissais de la vie me donnait le droit de le faire[2]. Il avait sacrifié les trois quarts