Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
SOUVENIRS


Aussi loin que mes souvenirs se reportent, je vois sa fréquentation et son amitié recherchées par les hommes les plus distingués. Notre maison qui était pleine, du haut en bas, de bouquins poudreux, de cartes de géographie, de plans en relief, et de pièces anatomiques, ne désemplissait pas d’étrangers qui venaient consulter mon père sur les moindres problèmes concernant l’origine et la filiation des peuples, l’histoire naturelle de l’homme, les mœurs et les coutumes des différentes races humaines, problèmes qui les passionnaient tous à un point que je ne saurais expliquer. Comme j’étais l’aînée de mes frères et sœurs, mon père m’avait prise en affection particulière, se figurant, je ne sais pourquoi, que je pouvais, plus que tout autre, m’intéresser à ses études.

La vérité était que je n’y comprenais pas grand chose et, toute enfant, comme jeune fille, je les admirais de confiance. Mon père représentait à mes yeux ce qu’il y a de plus noble et de plus élevé dans la créature[1].

Ce que je connaissais de la vie me donnait le droit de le faire[2]. Il avait sacrifié les trois quarts

  1. Variante, ligne 22, au lieu de créature ; lire : création.
  2. — ligne 23, au lieu de la vie me donnait le droit de le faire ; lire : de sa vie m’autorisait à le placer dans mon esprit au-dessus de tous les hommes.