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SOUVENIRS


Retirée[1] avec mon excellente tante Aurore dans une petite maison entourée d’arbres et de fleurs située dans la partie la plus coquette du Bois de Boulogne, je m’exerce à mener une existence presque purement végétative.

J’ai cinquante ans[2]. Cet âge ; si redouté des femmes, ne m’a ni épaissie, ni alourdie, ni enlaidie.

Je ne crois pas avoir perdu une ligne de ma taille, si élégante et si haute. J’ai toujours les mêmes beaux yeux noirs[3], les mêmes sourcils noirs, les mêmes dents éblouissantes, la même bouche vermeille, le même menton expressif. Mais mes cheveux sont devenus blancs. Je les porte courageusement dans leur blancheur de neige, relevés tout autour du front sous une coiffe en forme de cœur, « à la Marie Stuart. »

Mes cheveux blancs contrastant avec mes yeux noirs, loin de me vieillir, me donnent l’air jeune, assure-t-on.

Je suis toujours extrêmement coquette de mes

  1. Variante, ligne 1, au lieu de Retirée ; lire : La Couradilles vient encore me voir de loin en loin, par pure amitié. Elle aussi, elle s’est retirée des affaires. Elle a une grosse fortune. Je vis…
  2. Variante, ligne 6, au lieu de cinquante ans ; lire : cinquante-deux ans ; mais je n’en avoue que cinquante.
  3. Variante, ligne 12, après noirs ; lire : le même teint rosé.