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SOUVENIRS


À la suite de cette affaire, je rompis avec madame de Couradilles, et, quelques mois plus tard, je me séparais de mon mari. Je ne saurais trop dire pourquoi l’idée de cette séparation se mit dans ma tête. Je ne pouvais plus prendre sur moi de me soumettre aux fantaisies amoureuses d’un homme que je n’aimais pas. Je voulais être libre et vivre à ma guise[1]. Nous nous séparâmes à l’amiable, afin de ne pas faire de scandale. La chose, néanmoins, fit un bruit énorme. Personne au monde ne connut les véritables motifs de cet événement, qui n’avait rien en soi que de fort vulgaire, mais dont les journaux crurent devoir entretenir le public pendant plus d’un mois.

Chacun, de son côté, inventa des causes différentes pour justifier à ses propres yeux l’opinion qu’il s’était faite de moi, de mon mari, à propos d’une affaire qui ne concernait que nous deux seuls. La vérité toute nue, c’est que, après plusieurs années de mariage, mon mari et moi, nous ne nous plaisions pas. Ma mère me donna tort. Le baron de C*** me quitta[2], disant que « j’étais folle[3] », qu’une femme pouvait tout faire, mais ne

  1. Variante, ligne 8, après guise ; lire : Mon mari et moi.
  2. Variante, ligne 22, au lieu de me quitta, disant ; lire : que j’avais congédié, comme on sait, alla dire partout.
  3. Variante, ligne 23, après folle ; lire : ajoutant insidieusement.