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SOUVENIRS


C’est encore plus extraordinaire que ce qui se passait à mon couvent ! me disais-je.

Cependant, je voulais à toute force avoir l’explication de ces démonstrations singulières. Je la pressai de me répondre.

— Est-ce une maladie qui vous prend ? lui demandai-je. Est-ce de la folie ?

Elle m’étreignit avec plus de force encore.

— Malheureuse ! Ne comprenez-vous pas ? me répondit-elle. C’est de l’amour. Oui, c’est l’amour le plus violent, le plus indomptable. Et le plus incompréhensible, hélas !

Elle s’agitait et elle me serrait. Je sentais tout son corps bouillir sur le mien. Moi, j’étais toujours froide comme le marbre.

— C’est véritablement une folie ! lui dis-je. Est-ce qu’il peut y avoir de l’amour entre deux femmes, deux personnes du même sexe !

Elle se détacha de moi.

— Êtes-vous donc si innocente, si niaise ? C’est à ne pas le croire, placée comme vous l’êtes entre deux hommes aussi expérimentés que le sont votre amant et votre mari.

Puis, me ressaisissant et me prodiguant les baisers les plus enflammés :

— Tu ne comprends donc pas que je t’adore ?

— S’il en est ainsi, je vous plains, quand même je consentirais à me laisser aimer de vous, et je n’y consens pas, car c’est une folie !