roulâmes tous trois à terre. Un paysan, un peu
plus résolu que les autres, arriva sur ces entrefaites
et cloua le chien sur le sol avec sa fourche.
Le baron et mon mari revinrent alors pour m’aider à me relever.
Il était temps. Ils n’eurent d’autre peine que de me tirer par les bras. J’avais été littéralement roulée de la tête aux pieds dans la poussière, et mon valeureux cousin était plein de sang. Quand nous fûmes parvenus à nous traîner jusqu’au château, Alfred, qui avait reçu vingt morsures et qui, en sa qualité de médecin, savait que l’hydrophobie ne fait pas grâce, descendit promptement à la cuisine, fit chauffer jusqu’au rouge une branche de pincettes brisées, brûla lui-même ses plaies avec cette tige de fer le plus profondément possible, puis avala une potion qu’il avait composée lui-même, et enfin monta se coucher.
Il fut quinze jours très gravement malade, et ce fut moi qui le soignai. Il n’évita la mort que par un miracle. Il avait constamment la main dans la mienne, me disait qu’il était heureux d’avoir exposé sa vie pour moi. Il savait que le chien était enragé, il n’avait pas pu se méprendre à ses allures. S’il s’était élancé au-devant de lui, lui offrant son bras à dévorer, c’était qu’il avait vu l’horrible bête fondre sur moi, et qu’il n’ignorait pas qu’un chien hydrophobe cherche toujours