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D’UNE COCODETTE


mari et de moi-même, qu’elle trouva enfin le moyen de se faire admettre librement chez moi. Mon mari, tout en me disant que je ferais bien de me méfier d’elle, de faire attention à ne point me montrer avec elle en public, parce qu’elle ne manquerait pas de me compromettre, la recevait cependant à merveille, et ne se gênait pas pour lui dire devant moi toute sorte de galanteries[1].

J’ai su après qu’elle faisait depuis longtemps avec lui son petit métier, lui procurait secrètement des femmes du monde et des actrices.

Il affectait, tout haut, de n’être pas amoureux d’elle, mais je suis sûre qu’au fond, elle ne lui déplaisait pas du tout. De son côté, madame de Couradilles devenait de plus en plus familière avec moi. Elle me répétait sur tous les tons, avec toutes les formules aimables possibles, qu’elle n’avait rien vu de si beau que moi sur la terre et qu’elle m’adorait. Chaque fois qu’elle venait me voir, elle ne manquait jamais de se hausser sur la pointe des pieds pour m’embrasser, et, chose qui me choquait extrêmement, elle m’embrassait toujours sur les lèvres.

La première année que mon mari passa dans la maison de banque du baron de C*** donna de très beaux bénéfices. Il rendit de réels services et

  1. Variante, ligne 7, au lieu de galanteries ; lire : gauloiseries.