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SOUVENIRS


et me maintins la femme la plus élégante de Paris. Je ne crois pas avoir besoin d’ajouter que le baron, selon son aimable expression, continuait à être le « plus heureux des hommes ». Je n’avais pas d’amour pour lui plus que pour mon mari. La vérité est que je n’en avais jamais eu pour personne ; mais nous devions au baron notre position, et je ne croyais pas pouvoir me montrer ingrate.

Le moment me semble arrivé de dire quelques mots du caractère du baron de C***. Il était pour le moins aussi vieux que mon mari. Je me trouvais donc journellement entre deux espèces de satyres dont il me fallait à tout prix satisfaire les exigences. Une pareille situation n’était pas toujours facile, ni toujours amusante. Néanmoins, étant fille de ma mère, je trouvai le moyen de suffire à tout.

Je ne me rappelle pas si j’ai déjà dit que le baron de C*** était excessivement riche. C’était par dizaine de millions que sa fortune pouvait se compter. Ainsi qu’il arrive d’habitude, son avarice, sans être sordide, se trouvait au niveau de ses immenses revenus.

Cependant, il ne comptait point avec ses passions. Et ses passions étaient aussi nombreuses que tyranniques ; elles se composaient de tout ce qui peut flatter les sens et la vanité : femmes, chevaux, voitures, objets d’art, luxueux ameuble-