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D’UNE COCODETTE


ans, disait-elle — il est bien possible qu’elle eût deux ou trois années de plus, — on ne lui en aurait pas donné plus de trente. Elle avait beaucoup vu le monde, connaissait l’univers entier, me répétait à satiété « que j’étais son idéal », avait toujours des[1] histoires plus drôles les unes que les autres à me raconter. Bien qu’elle fût un peu familière et cherchait constamment à « vous gagner à la main », son entrain m’amusait assez. J’avais du plaisir à la voir. Une sorte de liaison occulte finit par s’établir entre elle et moi.

D’une autre part, le baron de C***, enthousiasmé, me disait-il quand il me rencontrait dans le monde, par le souvenir du « bonheur qu’il avait goûté », était devenu peu à peu le commensal de la maison. Comme mon mari l’avait déjà chargé précédemment de quelques affaires, qu’ils étaient tous deux du même Cercle, qu’il m’avait été présenté dans le monde, ainsi que je l’ai déjà dit, il ne lui fut pas difficile de se faire amener chez moi par une connaissance commune. Il affecta de se montrer très rond, très bon enfant, de prendre le plus grand intérêt à notre situation, qui lui était connue, ajouta-t-il ouvertement, « par les on-dit du Cercle et de la Bourse. »

Cela n’était pas du tout maladroit de la part d’un homme qui ambitionnait, me dit-il à l’oreille

  1. Variante, ligne 6, au lieu de des ; lire : cent.