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D’UNE COCODETTE


avoir affaire à un homme grossier, sans délicatesse et sans formes.

J’étais presque tentée de bénir mon étoile. Cependant, j’étais interdite et je ne savais quoi répondre.

Il me mit dans les mains une sorte d’écrin ou de portefeuille en peau de chagrin.

— Voilà les cent mille francs dont vous avez besoin, dit-il.

Puis, sans me demander la permission, il me baisa galamment la main. J’espérais en être quitte pour la peur. Mais je connaissais bien peu les hommes. Le banquier ne m’eût pas plutôt payée, qu’il courut après son argent.

Je me trouvais debout devant lui, les mains pendantes. Il me fit asseoir sur un fauteuil, s’assit auprès de moi, puis il me débita des madrigaux, absolument comme si nous avions été dans un salon. Je me disais :

« Cela se passe mieux que je ne croyais. Si tout pouvait se passer en conversations ! »

Je ne connaissais pas le baron. Mon père, s’il avait pu l’étudier, aurait dit qu’il « était une variété de l’espèce dont mon mari représentait le type. »

Cependant, mon acquéreur était aussi embarrassé[1] que moi. Il ne savait évidemment quelle

  1. Variante, ligne 26, au lieu de embarrassé ; lire, troublé.