Page:E. Feydeau - Souvenirs d’une cocodette, 1878.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
151
D’UNE COCODETTE


comme d’une femme séparée de son mari depuis longtemps, menant la vie des filles entretenues et ne recevant que des hommes. « Personne ne la salue plus, disait-on ; elle n’est plus reçue nulle part. »

J’étais extrêmement embarrassée. Je voyais que la nouvelle de notre désastre était ébruitée, et il ne me plaisait guère d’en parler.

Cependant, comme madame de Couradilles, tout en m’inspirant assez peu de confiance, affirmait qu’elle pouvait me tirer d’embarras, je réfléchis que je ne courais pas grand risque à la laisser parler, et, d’un geste poli, je l’invitai à s’expliquer.

— Les affaires de votre mari ne m’intéressent pas, me dit-elle. On dit qu’il a un million de dettes. C’est à lui de trouver le moyen de les payer. Mais vous, madame, vous pour qui je ressens toute la sympathie dont vous êtes digne, quelle somme vous faudrait-il pour payer vos petites dettes personnelles ?

— Qu’appelez-vous dettes personnelles, madame ? lui demandai-je.

— Eh ! parbleu, cela se comprend. Je veux parler de ce que vous devez à vos fournisseurs particuliers : couturière, cordonnier, marchande de modes, lingère, bijoutier.

J’étais horriblement perplexe.

— Mon Dieu !… il me faudrait… une centaine de mille francs, répondis-je.