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SOUVENIRS


m’étant connu — elle avait pour clientes quelques unes de mes amies les plus intimes, — je permis qu’on la fît entrer.

C’était une petite femme à l’air distingué, blanche et rose, toute mignonne, gentiment potelée, aux yeux d’un bleu profond, aux cheveux d’un très joli blond doré. Elle me parut avoir une quarantaine d’années, sa mise fort élégante annonçait du goût et elle se présentait avec aisance. On aurait pu la prendre pour une femme du monde. Elle portait à la main un petit carton, et, en entrant, elle me dit qu’elle m’était adressée par une femme de ma société, qu’elle me nomma.

Je la priai de s’asseoir et renvoyai ma domestique. Quand nous fûmes seules, elle se rapprocha de moi, souleva son voile, et me dit fort tranquillement en me regardant entre les deux yeux :

— Je vous demande pardon, madame la marquise, de m’être servie d’un subterfuge pour m’introduire auprès de vous. Je ne suis pas blanchisseuse de dentelles. Je me nomme la baronne de Couradilles. J’espère que mon nom ne vous est point inconnu. Personne ne m’a envoyée auprès de vous. J’appris, par hasard, que vous êtes dans de grands embarras d’argent, et je viens essayer de vous en tirer.

Le nom de cette femme m’était, en effet, connu et même très connu. Quelques personnes de nos amies en avaient plusieurs fois parlé devant moi