voyant si calme dans les dettes, si peu craintif du
lendemain, si confiant dans son étoile, si convaincu
de sa propre infaillibilité, il m’amena insensiblement,
et sans me sermonner, à sentir
comme il le faisait lui-même. Me voilà donc, à
vingt ans, acceptant cette vie de la bohème dorée
du grand monde, ne luttant pas, autant par paresse
native que par impossibilité de lutter, me
laissant doucement aller au fil de l’eau, comme
une noyée, ne me doutant même pas alors que,
étant femme, jeune, belle, adulée, courtisée,
j’avais une ressource extrême pour me tirer
d’affaire, ressource que mon mari n’avait pas, lui,
et qui ne pouvait être le sujet d’aucune discussion
entre nous.
Ce fut précisément au moment de mes plus grands succès que je fis la découverte de notre ruine totale, irrémédiable.
Elle me cassa bras et jambes. Mais, stimulée par mon mari et entraînée par l’habitude, je n’eus même pas la pensée de modifier la plus petite chose de mon train de vie. Mêmes occupations, mêmes dépenses. Un jour, cependant, nous examinâmes, à tête reposée, s’il n’y avait pas moyen de retrancher quelques petites choses dans le train ordinaire de notre existence. Nous ne trouvâmes rien, absolument rien. Toutes les dépenses que nous faisions étaient utiles, indispensables. Je proposai de sacrifier mes nippes ; mon mari émit