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D’UNE COCODETTE


satisfaire ses passions, ne se sentant propre absolument à rien d’utile ou, du moins, qui fût assez productif pour couvrir nos dépenses, quand même elles auraient été réduites de moitié, il se laissait aller insouciamment au courant des choses, comptant sur le hasard, sur l’imprévu, qui, selon lui, joue le principal rôle dans toutes les affaires de ce monde. Il paraissait n’avoir qu’une seule règle de conduite : s’étourdir !

C’était, en vérité, un bien singulier homme. Il n’avait pas un grain de méchanceté. Sa candeur, quoiqu’il fût constamment dans le vice et dans le faux, était celle d’un enfant à la mamelle. Il était homme du monde, il avait de l’expérience, on ne pouvait le soupçonner de sottise, ni même de banalité. Et, uniquement parce que, jusqu’alors, il avait été habitué à représenter, à vivre d’une certaine manière, à fréquenter intimement des gens qui, étant riches, pouvaient impunément et plus légitimement que lui faire figure, il n’entrait pas dans sa pensée que, étant marié, il y avait pour lui une certaine opportunité à changer de système et de régime de conduite, et que, avant de condamner sa femme à cette existence d’expédients qu’il avait pu impunément mener depuis sa sortie du collège, il aurait été au moins équitable de la consulter. Ce qu’il y eut de plus affreux pour moi, dans tout cela, ce qui devait avoir les plus terribles conséquences pour mon avenir, c’est que le